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© Gallica ; © BnF
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Désignation générale: 

pièce d'échecs

Eléphant de Charlemagne

"Eléphant"

Création / Exécution: 

Inde (lieu de création)
Pakistan, Sind (lieu de création)
9e siècle

Matières et techniques: 

ivoire d'éléphant

Mesures: 

H. 15,5 cm, D. 8,9 cm

Description: 

Roi en costume indien sur un éléphant de guerre, placé sur un socle arrondi dont la tranche est décorée d’une frise à deux rangs de perles.
La statuette est taillée d’un seul bloc dans une défense d’éléphant d’Afrique d’assez grand diamètre (Loxodonta africana/cyclotis selon les analyses menées par Ariana Pemberton, University of California, Berkeley, en 2024). muni de défenses plus imposantes que les éléphants d’Asie. L’historien et géographe arabe Al Masû'dî, mort en 957, rapporte dans son livre Les prairies d’or que l’ivoire des éléphants d’Afrique faisait l’objet d’un commerce intense avec la Chine et l’Inde, via le pays d’Oman et que «l’emploi le plus fréquent de l’ivoire [en Inde] est dans la fabrication des jeux d’échecs et de trictrac (nard). [Plusieurs] pièces de l’échiquier sont des figures d’hommes ou d’animaux, hautes et larges d’un empan ou même davantage. Pendant la partie, un homme se tient là exprès pour transporter les pièces d’une case à l’autre.»
L’éléphant représenté, avec sa petite oreille, est un éléphant d’Asie. Son dos est recouvert d’une housse quadrillée, retenue par des brides à pompons ou pendeloques, surmontée d’une plateforme semi-circulaire à parapet orné où est assis, jambes repliées, un roi, vêtu du costume d’un marajah indien, la kurta, tunique ceinturée. Les poignets, les coudes et l’encolure sont ornés de grosses perles en fort relief, évoquant un collier et des bracelets de pierres précieuses. De lourdes boucles d’oreilles à pendeloques retombent jusqu’aux épaules. La tête est ceinte d’un bandeau surmonté d’éléments en reliefs en partie disparus. La moustache, le visage plein, les cheveux descendant dans la nuque, les formes rondes et souples, relèvent de l’art indien.
Du cornac disparu, qui devait être accroupi sur la tête de l’éléphant, il ne reste qu’un pied. Sur le front de l’éléphant est suspendu un homme dénudé, tête vers le bas, tandis que l’animal saisit de sa trompe un cavalier. Deux interprétations sont possibles : une scène de combat et de supplice d’un prisonnier ou une scène d’acrobatie, qui relèverait de l’iconographie de cour.
Sur la base de la statuette formant plate-forme, quatre cavaliers entourent le roi, s’avançant deux par deux vers la tête de l’éléphant. Montés sur des chevaux richement harnachés, une épée à la ceinture, ils brandissent une arme, hache ou masse d’armes et se protègent d’un bouclier rond. Vêtus de pantalons bouffants, deux sont torse nu, deux autres portent, comme le roi, des tuniques ceinturées. Tous sont parés de colliers et de bracelets et ont la tête surmontée d’une coiffe haute à ornements découpés, telle que pouvait être celle du roi, aujourd’hui en partie disparue, suggérant qu’il s’agit de vassaux ou de rois étrangers faisant hommage au roi des rois.
Une file de huit petits fantassins, disposés sous des arcades, entoure le palanquin où siège le roi. Vêtus de pantalons bouffants serrés à la cheville, ils tiennent d’une main un petit bouclier rond et de l’autre une épée. Huit étant le nombre de pions de chaque camp au jeu d’échecs, on peut supposer que ceux-ci présentaient la même typologie.

Sous la base est gravée une inscription arabe, en écriture coufique, ou écriture abbasside ancienne, utilisée dès la fin 7e - début 8e siècle. La graphie anguleuse employée ici a été datée du 9e siècle - époque à laquelle le jeu d’échecs n’était pas encore pratiqué en Occident. L’inscription se lit : min ‘amal Yûsuf al-Bâhilî : de l’œuvre de Yûsuf al-Bâhilî. L’artiste pourrait appartenir à la tribu arabe Bahila, dont l’un des membres les plus célèbres est le général qui mena l’expédition dans le Sind en 680-681.
Cité dans l’inventaire du trésor de Saint-Denis de 1505 « l’éléphant d’ivoire taillé à plusieurs personnages » est considéré dès le 16e siècle, tout comme le jeu d’échecs de Saint-Denis, comme un don de l’empereur Charlemagne. L’inscription arabe gravée sous sa base a paru la marque évidente d’une origine orientale et a donné lieu à l’hypothèse d’un cadeau du calife de Bagdad, Haroun al-Rachid, peut-être par confusion avec le véritable éléphant, du nom d’Abul Abbas, que ce dernier envoya en 802 à l’empereur.
Le jeu d’échecs est un jeu de stratégie guerrière né en Inde entre 400 av. J.-C. et 400 ap. J.-C. Passé en Perse, le jeu est importé par les Arabes lors de la conquête de l’empire sassanide (638-651). Le nom persan et arabe, shatranj, dérive du sanscrit shatur-anga - qui fait référence aux « quatre corps » des armées indiennes : éléphants, chars, cavalerie, infanterie - ou de shatur raji, les « quatre rois ». Le roi est ici monté sur un éléphant, rappelant l’usage, dès l’Antiquité, de capturer et dresser des éléphants sauvages, pour la guerre.
Seule pièce subsistante d’un jeu d’apparat disparu, le roi présente des caractéristiques de l’art indien mais la présence de l’inscription coufique sous la base suggère une possible origine du Sind, région au sud de la vallée de l’Indus (Pakistan actuel), qui a été du 8e au 10e siècle sous domination arabe. Une autre pièce, au Museum für Indische Kunst à Berlin, bien que très endommagée, pourrait provenir du même jeu et représenter le vizir (cf.F.B.Flood, Conflict and Cosmopolitanism in Arab Sind, 2011).

Marques et inscriptions: 

sous le pied 
inscription
coufique
Traduction : “Oeuvre de Yusuf Al Bahili” (?)

Mode d'acquisition: 
Donateur(s), testateur(s) ou vendeur(s): 
Date de l'acte d'acquisition: 
18/01/1794
Ancienne(s) appartenance(s): 
Numéro d'inventaire: 
Inv.55.311

Autre(s) numéro(s): 
Chabouillet.3271

Bibliographie: 

Flood, Finbarr Barry. Conflict and Cosmopolitanism in “Arab” Sind. 2011, 377-382, fig.15-4.

Pinder-Wilson, Ralph. "Ivory Working in the Umayyad and Abbasid Periods" in Journal of the David Collection, vol.2. 2005, p.19.

Eder, Manfred A.J. Ist der 'Elephanten-König' doch (k)ein 'Schach-König', in Schach-Journal. 1994, p.45-51.

Le trésor de Saint-Denis [cat.exp.]. Paris : RMN, 1991, p.130-131, n°18 (D. Gaborit-Chopin).

Pièces d’échecs. Bibliothèque nationale, 1990, n°1 p. 11.

Montesquiou-Fezensac, Blaise de., Gaborit-Chopin. Le Trésor de Saint-Denis. Paris : Picard, 1977, n°102, p.213-215.

Kühnel, Ernst. Die islamischen Elfenbeinskulpturen, VIII.-XIII. Jahrhundert. Berlin : 1971, n° 17, p. 30-31 et pl. VI-VII.

Wilkinsonn, CK. Chess : East and West, past and present. New-York : 1968, n°8.

Marion du Mersan, Théophile. Histoire du Cabinet des Médailles, antiques et pierres gravées. Paris : 1838, p.26.

Expositions: 

Art du Jeu, Jeu dans l'art (Musée de Cluny - Novembre 2012 - Mars 2013)



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