camée
"René d’Anjou"
Francesco Laurana (attribué)
1463 vers
agate (à deux couches)
H. 1,8 cm, l. 1,5 cm, E. 0,8 cm
Tête de profil à droite du roi René d’Anjou, âgé, coiffé d’une toque en fourrure.
Le camée est taillé dans une agate à deux couches, mais d'une façon peu courante : le profil, au lieu de se détacher en bas-relief comme sur une médaille, est ici gravé en surplomb dans la couche opaque blanche tandis que la couche inférieure, en calcédoine cendrée, est taillée en retrait dans sa partie centrale. L'artiste a ainsi obtenu une impression de haut-relief, alors que le modelé du visage est en fait assez plat. Cette technique est surtout utilisée en glyptique à la Renaissance pour les bustes de face ou de trois-quarts, donnant ainsi l’illusion qu’ils jaillissent du fond. Un camée conservé au Museo dei Argenti à Florence, présente cependant le buste de profil de Laurent de Médicis (1448-1492) détaché du fond de la même façon (A. Giuliano, I cammei della Collezione Medicea nel Museo Archeologico di Firenze, 1989, p. 117.)
Le roi René, amateur de camées, passe pour avoir lui-même gravé des pierres fines (Babelon, La gravure en pierres fines, 1894, p. 266), mais nous n’en avons aucune preuve. Par contre, les registres de comptes citent pour les années 1472 à 1477 deux « faiseurs de camahyeuz », Jehan Castel et Thomas Pigne qui auraient travaillé à sa cour (G. Arnaud d’Agnel, Les comptes du roi René, 1908-1910, p. 308, 320, 327-328 et O.M. Dalton, Catalogue of the engraved gems of the post-classical periods in the Department of british and mediaeval Antiquities in the British Museum, Londres, 1915 p. XXXV sq.). Le second est notamment payé quinze ducats pour un « visage du roi sur ung camahyeu » et vingt ducats pour un portrait « de la ceinture en hault sur ung camahyeu » (Arnaud d’Agnel, op. cit., p. 327 n° 962 et 964). Ce petit camée lui serait-il dû ? Le camée du roi René conservé au British Museum (Dalton, op. cit p. 49, n° 375, pl. XV) est d’un réalisme poussé et, de plus, traité en à-plat, offrant un effet pictural. Il est visiblement d’une main différente du nôtre. Deux autres camées en main privée, dont l'un dans la collection Ladrière a été exposé en 2022, témoignent aussi d'une approche réaliste.
En 1989, J.-B. Giard avait attribué ce camée à Francesco Laurana. Cette hypothèse semble aujourd’hui encore plausible. En effet, si les traits du roi sont ici bien reconnaissables, ils sont cependant rajeunis et idéalisés, le nez fin et non camus, les bajoues certes lourdes mais fermes, l’œil bien ouvert, la bouche mince mais décidée. Or cette tendance à l’idéalisation se retrouve sur une médaille signée de Laurana et datée de 1463 (BNF, Cabinet des Médailles, A-V .147 https://medaillesetantiques.bnf.fr/ark:/12148/c33gbz71). Tous les autres portraits du roi, que ce soit en peinture ou en gravure font preuve d’un réalisme assez exacerbé. D’autre part, sur ce camée, les détails gravés sont peu nombreux et sobrement rendus : fourrure de la toque, mèche de cheveux devant l’oreille. Le travail est moins celui d'un graveur, habile à rendre tous les petits détails de traits finement ciselés, que celui d’un sculpteur qui s’attache aux volumes et au modelé, d’une exquise délicatesse. Un polissage très doux, d’un éclat atténué, contribue à rendre le moelleux des chairs. Ce sens des volumes allié à une certaine stylisation font songer à l’œuvre sculptée de Laurana, notamment aux masques de femmes, et laisse penser qu’il pourrait être l’auteur de ce portrait.
l’Europe des Anjou. 2001, p. 379, n°190.
Trésors monétaires. Paris : BnF, 1989, supp. 1, p. 21-22.
Duchamp, Michel. “Faiseurs d’images de camahyeux au temps du roi rené : l’étrange aventure de trois camées gravés à son portrait", BSFN. Paris : 2000